Le juge des référés et la Cour d’appel de Bordeaux rejettent une demande de paiement par la SPRE d’une provision sur la « rémunération équitable » visant les résidences de tourisme.
Les exploitants d’un lieu sonorisé sont soumis à un double paiement de redevances, au titre du droit d’auteur et au titre des droits voisins (artistes-interprètes et producteurs). S’agissant des droits voisins, les redevances relèvent de ce qu’on appelle la « rémunération équitable », qui est due en contrepartie d’une licence légale : l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer à la communication directe d’un phonogramme dans un lieu public et ces utilisations des phonogrammes « ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs » (art. L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle). Il est prévu que le montant de la rémunération équitable est fixé à 65% de celui payé au titre du droit d’auteur.
La société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) est la société de gestion collective en charge du paiement des redevances qui sont reversées par moitié aux producteurs et aux artistes-interprètes, via leurs sociétés de gestion respectives, déduction faite des frais de gestion. La SPRE a également mandaté la SACEM pour la collecte de la rémunération équitable.
La SPRE a assigné en référé devant le tribunal judiciaire de Bordeaux une société gérant des résidences de tourisme et appart-hôtels (dans douze établissements, pour plus de six mille lits), aux fins de la voir condamner à lui payer une provision sur les sommes dues au titre de la rémunération équitable. Les chambres étant sonorisées, la société gestionnaire avait conclu un contrat général de représentation avec la SACEM pour le paiement des droits d’auteur, mais restait redevable de la rémunération équitable.
Le juge des référés ne lui a pas donné gain de cause, et la Cour d’appel de Bordeaux a confirmé l’ordonnance de référé.
L’article 6 d’une décision du 5 janvier 2010 publiée par le ministère de la culture, fixait une liste des établissements, activités, espaces et lieux sonorisés concernés ; dans cette liste, les résidences de tourisme ne sont pas citées, ce qui constitue l’un des motifs de rejet de la demande de paiement de redevances introduites par la SPRE. Le fait que la liste ne soit pas exhaustive (présence de l’adverbe « notamment ») ou qu’il y ait des activités très proches de la gestion de résidences de tourisme dans celles qui sont visées (chambres d’hôtels et chambres d’hôtes) n’a pas été déterminant.
Par ailleurs, la Cour note que les régimes d’assujettissement au paiement du droit d’auteur et des droits voisins diffèrent, et qu’on ne peut déduire que l’on est tenu au paiement de la rémunération équitable au motif que l’on paie au titre du droit d’auteur, même si le montant des droits voisins est fondé sur un pourcentage du droit d’auteur.
Il faut se montrer réservé à propos de cette décision faisant une lecture très restrictive du périmètre de la licence légale, et qui n’est pas rendue au fond. Par ailleurs, c’est le même fait générateur qui déclenche le double paiement à la SACEM et à la SPRE, dès lors qu’on diffuse de la musique (droit d’auteur pour les auteurs et compositeurs) enregistrée (droits voisins pour les interprètes et les producteurs).
(CA Bordeaux, chambre civile 1, 24 janvier 2023, n° RG 22/02125).
Auteur de l’article
Xavier DAVERAT
Conseiller scientifique pour Elige Bordeaux
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