Réforme de la procédure d’appel, des raisons d’espérer ?

18 Jan. 2024 | Elige Bordeaux, Infos, Veille juridique

Le décret 2023-1391 du 29 décembre 2023 « portant simplification de la procédure d’appel en matière civile » n’échappe pas à la mode hilarante de la simplification continuelle. Il ne revient pas sur la logique « punitive » introduite par les décrets Magendie, qui a pourtant sérieusement compliqué la situation des plaideurs et de leurs avocats.

La menace de la caducité automatique continuera de peser sur eux ; comme aussi la contrainte de mettre en état à marche forcée un litige, qui ne sera pourtant jugé que plusieurs années plus tard.

La procédure d’appel continue donc de faire subir aux parties la double (si ce n’est de la triple) peine. On impose d’abord aux parties une compression brutale du temps dont elles ont besoin pour échanger leurs arguments et mettre en état le dossier d’être plaidé (le temps des parties). Pendant cette période, on les sanctionne au moindre faux pas, au nom d’une urgence imaginaire. Ensuite, une fois cette phase terminée, commence en effet le temps administratif (le temps de la juridiction). On fait alors subir aux parties des attentes interminables, qui recèlent de nouvelles chausse-trappes. Les arrêts du 7 mars 2024 viennent cependant de faire disparaître la principale, en admettant que la péremption ne joue plus contre les parties, pendant ces périodes d’attente inutile. Une fois l’affaire fixée, une nouvelle attente commence jusqu’à la date des plaidoiries. Après les plaidoires, se rajoutera enfin le temps du délibéré.

La fin d’un cycle ?

Les réformes conduites depuis dix ans ont consisté à réduire de plus en plus le temps des parties, tandis que le temps administratif explosait. Le solde final est doublement négatif, puisque les délais n’ont cessé de s’allonger pendant cette période, tandis que la procédure d’appel devenait de moins en moins praticable. Plus personne ne pouvait nier le cuisant échec des réformes inspirées par le funeste rapport Magendie.

Même si le décret du 29 décembre 2023 n’a rien d’enthousiasment, il comporte néanmoins quelques raisons d’espérer.

D’abord, c’est la première fois depuis le dépôt du rapport Magendie, il y a dix ans maintenant, qu’un texte relatif à la procédure d’appel ne se contente pas de contraindre plus encore le temps des parties, dans le but prétendu d’améliorer la qualité et la célérité de la justice. Ensuite, même si toutes les dispositions du décret ne vont pas dans le sens d’un assouplissement, la plupart d’entre elles desserrent légèrement le lacet passé autour du cou des avocats et de leurs clients.

Le début d’une prise de conscience.

Pour la première fois, donc, la Chancellerie paraît admettre qu’elle a peut-être fait fausse route. Comme la négociation avec les pouvoirs publics relève de la notion de jeu répétitif, il n’est pas impossible que dans le futur d’autres avancées (c’est-à-dire d’autres reculs) interviennent. Pour cela, il faudra notamment cesser d’analyser le temps du procès comme un tout indifférencié, et bien distinguer le temps des parties et le temps administratif (ou temps de la juridiction). Lorsque la lenteur des procédures est imputable à l’allongement du temps de la juridiction, c’est aux causes de cet allongement qu’il faut s’attaquer, et pas multiplier les contraintes sur les parties.

En attendant mieux, intéressons-nous au meilleur du décret du 29 décembre 2023 : les nouvelles dispositions sur l’effet dévolutif de l’appel, dont nous pourrons profiter à partie du 1er septembre 2024, date d’entrée en vigueur du décret.

A suivre…

Photo de Thierry Wickers, avocats Elige Bordeaux

Auteur de l’article

Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Secrétaire de Mairie et responsabilité financière, qu’en est-il ?

Secrétaires de Mairies :Ne tirez pas sur les couteaux suisses de la République ! Le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, entré en vigueur le 1er janvier 2023, vient de conduire pour la première fois à la condamnation d'une secrétaire...

Concurrence commerciale et parasitisme : l’importance de justifier de la valeur ajoutée

Un arrêt du 26 juin 2024 a été l'occasion pour la chambre commerciale de la Cour de cassation de préciser les contours, parfois flou, de la notion jurisprudentielle de parasitisme économique.La Cour rappelle la définition jurisprudentielle de la notion de parasitisme...

Quelle est la responsabilité de l’Etat en cas d’émeutes et de dégradations ?

L'actualité nous amène à nous interroger sur les modalités de réparation de dégâts causés à la suite d'émeutes.En cas de dégradations de vos biens ou d'atteinte de votre personne, la première réaction est de déposer plainte afin qu'une enquête puisse déterminer qui...

Nouveaux locaux pour Elige Limoges – Cabinet Jean Valière-Vialeix

La société d'avocats Elige Limoges, cabinet Jean Valière-Vialeix change de bureaux.Au rez-de-chaussée dans le même immeuble Boulevard Gambetta à Limoges, découvrez la façade et ces nouveaux bureaux. Des bureaux plus spacieux où vous pourrez être reçu du lundi au...

Les intérêts de retard et les pénalités de retard : on fait le point !

Intérêts de retard et pénalités de retard, quelle différence ? Peut-on les cumuler ?  Quelques informations afin d'y voir plus clair sur le sujet.Les intérêts de retard au taux légal.Les intérêts de retard au taux légal sont prévus par le code civil. Lorsque le...

En cas de virement frauduleux, quelle est la responsabilité de la banque ?

La responsabilité de la banque est très fréquemment engagée par le titulaire du compte en cas de virement frauduleux.Des virements à destination de l'étranger exécutés par la banque.Les faits sont classiques : pendant une période de plusieurs semaines, le compte d'une...

OFFRE DE STAGE – Stage d’une durée de 2 mois en Droit des affaires

Elige Bordeaux recrute un stagiaire H/Fpour une immersion complète d'une durée de deux mois,qui sera rattaché au département en Droit des affaires.LE POSTE Elige Bordeaux recherche actuellement un stagiaire, pour une immersion complète d'une durée de deux mois, qui...

Bulletin Elige – Numéro 8

Découvrez le bulletin Elige n°8consacré à la réforme de la procédure d'appel.Au sommaire de ce nouveau bulletin, on retrouve :PAGE 1Découvrez une série d'articles exclusifs sur la réforme de la procédure d'appel, rédigés par Maître Thierry WICKERS. PAGE 8Les...

La responsabilité décennale

Le défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale constitue une faute engageant la responsabilité de l'entreprise au titre d'une faute de gestion. L'assurance décennale lui permet de respecter son obligation de garantie envers le client.Apparition...

L’importance de bien définir la finalité de la collecte de données dans le cadre du RGPD

Une société spécialisée dans le domaine de la santé a collecté les données personnelles de patients et a prétendu avoir réalisé cette collecte en respect des conditions de sa politique de confidentialité.Il semble utile de rappeler que les données de santé sont des...