En cas de virement frauduleux, quelle est la responsabilité de la banque ?

23 Avr. 2024 | Droit bancaire et sûretés, Infos

La responsabilité de la banque est très fréquemment engagée par le titulaire du compte en cas de virement frauduleux.

Des virements à destination de l’étranger exécutés par la banque.

Les faits sont classiques : pendant une période de plusieurs semaines, le compte d’une société est débité de sommes importantes. Il y en a pour près de 200 000€. La banque de la société va réaliser successivement quatre virements vers l’étranger, sur la base d’ordres transmis par courrier électronique.

Même si la décision n’en dit pas plus, on devine que l’on se trouve donc en présence d’une fraude.

La sanction du manquement au devoir de vigilance.

La solution adaptée par la cour d’appel est également parfaitement classique. Elle met à la charge de la banque une partie du préjudice, parce qu’elle estime que la banque aurait dû faire preuve de plus de vigilance. Il existait, avait relevé la cour d’appel, des éléments qui auraient dû conduire la banque à suspecter que son client n’était pas à l’origine des ordres de paiement.

« Devoir de vigilance », « anomalie apparentes », « éléments de preuve sérieux et concordants » : cette terminologie et cette façon de raisonner sont tout droit issu du régime de responsabilité contractuelle de droit commun construit par la jurisprudence.

Le banquier, avant d’exécuter l’ordre de paiement, doit faire preuve de vigilance. S’il détecte des anomalies apparentes, il doit se rapprocher de son client, pour s’assurer qu’il est bien l’auteur de l’ordre de paiement et qu’il faut bien l’exécuter. Le banquier est donc condamné, sur le fondement des règles de droit commun de la responsabilité.

Le triomphe du régime de responsabilité des prestataires de services de paiement.

Mais voilà, la responsabilité des prestataires de services de paiement (les banquiers) vis-à-vis des utilisateurs (leurs clients) fait l’objet d’un régime de responsabilité spécifique, celui issu de la directive 2007/64/CE.

Les dispositions de cette directive ont été transposées en droit français et figurent dans le code monétaire et financier (L 133-12 et suivants).

Il existe donc en droit français deux régimes de responsabilité, l’un issu du droit commun, et l’autre spécifique, issu de la directive.

Mais voilà, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie dans le cadre d’une question préjudicielle a rendu, le 16 mars 2023 une décision d’une grande portée.

(Beobank, C51/21, Lien de l’article)

Elle a jugé que l’objectif de la directive était de créer un régime harmonisé de responsabilité pour les opérations non autorisées ou mal exécutées et que ce régime était exclusif de tout régime alternatif de responsabilité existant dans le droit national.

Puisque le titulaire des comptes contestait être l’auteur des ordres de transfert des fonds litigieux, la responsabilité de la banque ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l’article L. 133-18 du code monétaire et financier.

L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé. Le litige va se poursuivre devant la cour de renvoi. Quel sera le résultat final ? Il n’est pas certain qu’il sera nécessairement plus avantageux pour la banque, car le régime de responsabilité issu de la directive est loin de lui être favorable.

(Cass. Com., 27 mars 2024, Pourvoi n° Y 22-21.200, Lien de l’article)

Photo de Thierry Wickers, avocats Elige Bordeaux

Auteur de l’article

Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

OFFRE DE STAGE – Stage d’une durée de 2 mois en Droit des affaires

Elige Bordeaux recrute un stagiaire H/Fpour une immersion complète d'une durée de deux mois,qui sera rattaché au département en Droit des affaires.LE POSTE Elige Bordeaux recherche actuellement un stagiaire, pour une immersion complète d'une durée de deux mois, qui...

Bulletin Elige – Numéro 8

Découvrez le bulletin Elige n°8consacré à la réforme de la procédure d'appel.Au sommaire de ce nouveau bulletin, on retrouve :PAGE 1Découvrez une série d'articles exclusifs sur la réforme de la procédure d'appel, rédigés par Maître Thierry WICKERS. PAGE 8Les...

La responsabilité décennale

Le défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale constitue une faute engageant la responsabilité de l'entreprise au titre d'une faute de gestion. L'assurance décennale lui permet de respecter son obligation de garantie envers le client.Apparition...

OFFRE EMPLOI – Collaborateur(trice) en Droit du travail/Droit social

La société d'avocats Elige Bordeaux recruteun(e) collaborateur(trice) Junior ou expérimentéen Droit du travail/Droit social.La société d'avocats Elige Social, située au coeur de Bordeaux, fait partie d'une société inter-barreaux pluridisciplinaire, Elige Bordeaux....

L’importance de bien définir la finalité de la collecte de données dans le cadre du RGPD

Une société spécialisée dans le domaine de la santé a collecté les données personnelles de patients et a prétendu avoir réalisé cette collecte en respect des conditions de sa politique de confidentialité.Il semble utile de rappeler que les données de santé sont des...

Quels juges peuvent suspendre des travaux en raison de la présence d’espèces protégées ?

Plusieurs associations de défense de l'environnement, ont saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Toulon d'une demande de suspension de travaux prétextant la présence d'espèces protégées et ont vu leurs demandes rejetées.Elles ont assigné la société en...

L’importance d’établir la liste des créanciers par le débiteur

L'établissement de la liste des créanciers par le débiteur en redressement judiciaire est une formalité à la portée considérable.La sanction subie par les créanciers qui omettent de déclarer leur créance, après l'ouverture d'une procédure collective, est sévère. Ne...

La responsabilité du Maire à raison de propos diffamatoire dans un magazine municipal

Le maire d'une commune a été condamné par le tribunal correctionnel, puis par la Cour d'appel du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat électif public (un élu d'opposition) à raison de propos publiés dans un numéro du magazine municipal,...

Réforme de la procédure d’appel, du nouveau au sujet de l’effet dévolutif

(Ou le meilleur du décret 2023-1391 du 29 décembre 2023)Il n'est pas totalement absurde d'imposer à l'appelant de définir rapidement l'objet de l'appel et de demander aux parties de faire connaître clairement ce qu'elles entendent, dans la décision du premier juge,...

Réforme de la procédure d’appel, des raisons d’espérer ?

Le décret 2023-1391 du 29 décembre 2023 "portant simplification de la procédure d'appel en matière civile" n'échappe pas à la mode hilarante de la simplification continuelle. Il ne revient pas sur la logique "punitive" introduite par les décrets Magendie, qui a...