Le décret 2023-1391 du 29 décembre 2023 « portant simplification de la procédure d’appel en matière civile » n’échappe pas à la mode hilarante de la simplification continuelle. Il ne revient pas sur la logique « punitive » introduite par les décrets Magendie, qui a pourtant sérieusement compliqué la situation des plaideurs et de leurs avocats.
La menace de la caducité automatique continuera de peser sur eux ; comme aussi la contrainte de mettre en état à marche forcée un litige, qui ne sera pourtant jugé que plusieurs années plus tard.
La procédure d’appel continue donc de faire subir aux parties la double (si ce n’est de la triple) peine. On impose d’abord aux parties une compression brutale du temps dont elles ont besoin pour échanger leurs arguments et mettre en état le dossier d’être plaidé (le temps des parties). Pendant cette période, on les sanctionne au moindre faux pas, au nom d’une urgence imaginaire. Ensuite, une fois cette phase terminée, commence en effet le temps administratif (le temps de la juridiction). On fait alors subir aux parties des attentes interminables, qui recèlent de nouvelles chausse-trappes. Les arrêts du 7 mars 2024 viennent cependant de faire disparaître la principale, en admettant que la péremption ne joue plus contre les parties, pendant ces périodes d’attente inutile. Une fois l’affaire fixée, une nouvelle attente commence jusqu’à la date des plaidoiries. Après les plaidoires, se rajoutera enfin le temps du délibéré.
La fin d’un cycle ?
Les réformes conduites depuis dix ans ont consisté à réduire de plus en plus le temps des parties, tandis que le temps administratif explosait. Le solde final est doublement négatif, puisque les délais n’ont cessé de s’allonger pendant cette période, tandis que la procédure d’appel devenait de moins en moins praticable. Plus personne ne pouvait nier le cuisant échec des réformes inspirées par le funeste rapport Magendie.
Même si le décret du 29 décembre 2023 n’a rien d’enthousiasment, il comporte néanmoins quelques raisons d’espérer.
D’abord, c’est la première fois depuis le dépôt du rapport Magendie, il y a dix ans maintenant, qu’un texte relatif à la procédure d’appel ne se contente pas de contraindre plus encore le temps des parties, dans le but prétendu d’améliorer la qualité et la célérité de la justice. Ensuite, même si toutes les dispositions du décret ne vont pas dans le sens d’un assouplissement, la plupart d’entre elles desserrent légèrement le lacet passé autour du cou des avocats et de leurs clients.
Le début d’une prise de conscience.
Pour la première fois, donc, la Chancellerie paraît admettre qu’elle a peut-être fait fausse route. Comme la négociation avec les pouvoirs publics relève de la notion de jeu répétitif, il n’est pas impossible que dans le futur d’autres avancées (c’est-à-dire d’autres reculs) interviennent. Pour cela, il faudra notamment cesser d’analyser le temps du procès comme un tout indifférencié, et bien distinguer le temps des parties et le temps administratif (ou temps de la juridiction). Lorsque la lenteur des procédures est imputable à l’allongement du temps de la juridiction, c’est aux causes de cet allongement qu’il faut s’attaquer, et pas multiplier les contraintes sur les parties.
En attendant mieux, intéressons-nous au meilleur du décret du 29 décembre 2023 : les nouvelles dispositions sur l’effet dévolutif de l’appel, dont nous pourrons profiter à partie du 1er septembre 2024, date d’entrée en vigueur du décret.
A suivre…
Auteur de l’article
Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux
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