La discipline des notaires après la réforme – Une nouvelle échelle des peines

22 Nov. 2022 | Infos, Veille juridique

La modernisation de l’échelle des peines passe par deux mesures principales : la refonte de l’échelle des peines pour la rendre plus progressive  et l’apparition des sanctions financières.

L’ancienne échelle des peines comprenait six niveaux de peines :

    • Le rappel à l’ordre ;
    • La censure simple ;
    • La censure devant la chambre assemblée ;
    • La défense de récidiver ;
    • L’interdiction temporaire ;
    • La destitution.

Le rappel à l’ordre est désormais une sanction qui relève de la compétence du président du conseil régional ou interrégional des notaires. Il disparaît de l’échelle des peines personnelles, qui ne comporte désormais plus que quatre niveaux :

    • L’avertissement ;
    • Le blâme ;
    • L’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de dix ans ;
    • La destitution, qui emporte l’interdiction d’exercice à titre définitif.

Les notaires honoraires restent soumis à la discipline (article 7) et peuvent être sanctionnés par le retrait de l’honorariat.

L’interdiction temporaire peut être assortie du sursis (total ou partiel). Le sursis est automatiquement révoqué (sauf décision motivée), si une nouvelle peine disciplinaire est prononcée dans les cinq ans de la première.

La grande nouveauté est l’apparition de peines financières, qui peuvent être prononcées à titre alternatif, ou cumulatif avec les peines personnelles. Elles prennent la forme d’amendes (les notaires salariés ne sont pas concernés) qui peuvent atteindre 10 000€ ou (alternativement) 5% du CA annuel HT du professionnel. Là aussi le sursis est possible.

Dans la mesure où les mêmes faits peuvent aussi donner lieu à des poursuites pénales, il est prévu que le total de l’amende pénale et de l’amende disciplinaire ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé.

Les peines peuvent être prononcées contre les personnes physiques ou morales (en ce qui les concerne un décret en Conseil d’Etat devra apporter des précisions sur l’application de certaines sanctions disciplinaires comme l’interdiction temporaire et la destitution). Les décisions peuvent faire l’objet d’une publication, aux frais de la personne sanctionnée, à titre de sanction accessoire. Les peines disciplinaires peuvent se cumuler avec celles prononcées en application de l’article L. 561-36-3 du code monétaire et financier.

Une constatation s’impose : les profession concernées disposeront désormais d’outils beaucoup plus efficaces pour assurer la discipline professionnelle. L’apparition des sanctions financières devrait aussi permettre de répondre (au moins en partie) aux besoins nouveaux liés à l’apparition de structures professionnelles de plus en plus importantes.
Pour autant, cette réforme renforcera-t-elle la confiance du public vis-à-vis des notaires (et des autres professions concernées) ?
Certes des progrès sont enregistrés, le public étant désormais assuré que ses plaintes ne resteront pas sans réponse, et qu’il sera également informé de leurs suites. La place consacrée par l’ordonnance au traitement des besoins du public reste cependant modeste. Surtout, rien n’a été fait pour résoudre le principal problème que rencontre la discipline des professions dont les services s’analysent comme des biens de confiance. Les biens de confiance se caractérisent par le fait que les clients ne sont en mesure d’apprécier la qualité, ni ex-ante, ni ex-post des services rendus par les professionnels. Tout sytème disciplinaire qui se contente de réagir aux plaintes qu’il reçoit de la part du public court donc le risque de l’inefficacité, quelle que soit son architecture. Il ne semble pas que la loi du 22 décembre 2021 ait rompu avec un modèle dont les faiblesses sont pourtant connues depuis un peu plus de trente ans.

Auteur de l’article

Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux

bordeaux@elige-avocats.com 

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