La prescription de l’action en responsabilité du notaire ne court pas nécessairement du jour où ce dernier a commis une faute. La responsabilité de l’officier public est subsidiaire. Pour pouvoir poursuivre utilement le notaire, la victime doit prouver que son préjudice est certain.
Les notaires peuvent commettre des erreurs à l’occasion des maniements de fonds pour le compte de leurs clients.
Les maniements de fonds sont des opérations délicates. Elles donnent lieu à des contentieux réguliers, en raison des erreurs que peuvent commettre les officiers publics. Il peut en effet arriver que le notaire se trompe dans la répartition des fonds, ou même en dispose au profit d’une personne qui n’est pas en droit de les percevoir.
C’est ainsi qu’une notaire qui avait été désigné séquestre d’un prix de vente d’immeuble, avec mission de payer des entreprises ayant réalisé des travaux au profit du vendeur, avait remis à ce dernier le solde du prix, alors qu’il aurait dû régler des factures de travaux encore en souffrance.
Toute faute du notaire n’entraîne pas nécessairement sa condamnation à des dommages et intérêts.
Cependant, toute faute ne conduit pas nécessairement à la condamnation du notaire. En matière de responsabilité professionnelle, il faut encore établir l’existence d’un préjudice. La responsabilité du notaire ne peut utilement être poursuivie que si sa faute a fait naître un préjudice.
Si la personne qui a perçu indûment des fonds les restitue, volontairement ou sous la contrainte d’une décision de condamnation, alors le notaire pourra échapper à une condamnation, faute de préjudice.
En conséquence, la victime, avant de se retourner contre l’officier public, doit, au préalable, épuiser ses autres recours.
C’est très exactement ainsi que l’entreprise dont les factures n’avaient pas été payées, avait agi. Elle avait poursuivi le vendeur pour obtenir le paiement de ses factures. Mais le vendeur avait été mis en liquidation judiciaire, et sa tentative avait échoué. Un arrêt avait finalement rejeté ses demandes. Les motifs étaient liés à la rédaction défectueuse de l’acte dressé par le notaire.
La prescription de l’action responsabilité en responsabilité du notaire ne court pas tant que le dommage ne s’est pas manifesté.
L’entreprise s’était donc retournée contre le notaire. Celui-ci lui avait alors opposé la prescription de son action, en faisant valoir que l’erreur contenue dans son acte était apparue dès l’époque de sa signature, de sorte que la prescription courait depuis la date de l’acte. Comme l’entreprise avait perdu plusieurs années en vaines poursuites contre le vendeur, l’action contre le notaire était désormais prescrite.
Cette manière de raisonner n’a pas convaincu la Cour de cassation. Elle répond en précisant que le point de départ de la prescription ne doit pas être fixé à la date de l’acte, mais à la date à laquelle le préjudice s’est manifesté. Le délai pour agir n’était donc pas achevé. La victime ayant engagé la responsabilité du notaire dans les cinq ans de la date de l’arrêt rejetant sa demande contre le vendeur.
La solution est parfaitement fondée. Puisque la responsabilité du notaire est subsidiaire, la prescription ne peut pas courir avant que le préjudice de la victime ne se soit manifesté de manière certaine.
(Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 juin 2022, 21-14.633)
Auteur de l’article
Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux
0 commentaires