L’actualité nous amène à nous interroger sur les modalités de réparation de dégâts causés à la suite d’émeutes.
En cas de dégradations de vos biens ou d’atteinte de votre personne, la première réaction est de déposer plainte afin qu’une enquête puisse déterminer qui sont les auteurs des infractions commises et tenter d’obtenir réparation à leur encontre.
Cette démarche et indispensable de même qu’une déclaration auprès de votre compagnie d’assurances.
Néanmoins, vous ignorez peut-être que vous disposez d’un recours contre l’Etat devant les juridictions administratives.
Au terme de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure « l’Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens… ».
Il est important de souligner que cette responsabilité s’étend également à la réparation des dégâts et dommages provoqués par l’intervention des forces de l’ordre contre les membres d’attroupement ou de rassemblement.
Mais qu’est ce qui définit réellement un attroupement ?
Un arrêt du Conseil d’Etat en date du 31 mai 2024 vient rappeler en premier lieu la définition d’un attroupement.
Selon les termes de l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure, un attroupement au sens de l’article 431-3 du code pénal est tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public.
Toute fois, il a été jugé par le conseil d’état, le 11 octobre 2023, que des actes commis indépendamment d’une manifestation, étaient imputables à un groupe de salariés structuré à la seule fin de les commettre et ne pouvaient constituer un attroupement au sens de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.
Attention aux imprudences qui exonérent l’Etat de sa responsabilité.
De même, l’arrêt du 31 mai 2024, le Conseil d’Etat a considéré qu’avait commis une imprudence de nature à exonérer l’Etat de sa responsabilité, le photographe qui s’était volontairement maintenu à proximité immédiat d’affrontements violents qui ont duré plusieurs heures et a été blessé par l’usage de grenades lacrymogènes dont il a été fait usage après avoir procédé aux sommations réglementaires. Cette imprudence était de nature à exonérer l’Etat de sa responsabilité.
La Cour d’appel de Toulouse par un arrêt en date du 2 avril 2024, dans une situation différente, a rappelé que les dispositions de l’article L. 211-10 étaient subordonnées à la condition que les dommages dont l’indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés, commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés.
Dans le cas d’espèce, il s’agissait de manifestations de gilets jaunes ayant entraîné l’inaccessibilité pendant une longue durée d’un centre commercial par blocage du carrefour giratoir y menant, ayant par ailleurs procédé à des dégradations en pénétrant de force dans l’hypermarché.
La tentative d’intrusion s’est produite à 10h20 du matin et les forces de l’ordre ne se sont présentées sur le site qu’à 14h00 pour sécuriser la sortie des clients.
Si la Cour d’appel considére fonder l’action de l’hypermarché pour obtenir indemnisation de son préjudice, elle retient que les documents permettant de déterminer le montant de l’indemnisation ne sont pas produits.
Elle organise sur ce point un supplément d’instructions tendant à obtenir communication des extraits de la comptabilité de la société portant sur le chiffre d’affaires et les éléments permettant de déterminer le taux de marge net sur la période considérée.
Réunir rapidement des preuves et lancer les démarches juridiques.
Dans de telles circonstances, il apparaît nécessaire, lors d’événements de ce type, de faire au plus vite constater les dégâts par l’intermédiaire d’un constat d’un commissaire de justice. Il faudra ensuite déposer une plainte du fait des dégradations volontaires.
Il convient de se prémunir des preuves démontrant le lien de causalité entre l’attroupement en cause et les préjudices subis.
Par ailleurs, il apparaît également nécessaire de faire établir des documents démontrant, par la production de devis, factures ou autres éléments, les préjudices matériels subis ainsi que les préjudices immatériels résultant des pertes d’exploitation encourues.
Il est également utile de recueillir tous les témoignages possibles sur les circonstances des événements en cause. Ce travail doit être réalisé de façon urgente sitôt la constatation des dégradations effectuées. Le but étant que la juridiction saisie dispose des éléments permettant d’apprécier le préjudice indemnisable.
Auteur de l’article
Daniel LASSERRE
Avocat associé à Elige Bordeaux
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