Les dégâts causés par le mildiou : assurés ou pas ?

10 Août. 2023 | Infos

Le mildiou est une maladie cryptogamique dont le développement est favorisé par des conditions climatiques caractérisées par la combinaison de la chaleur et d’un excès d’humidité.

Le journal SUD-OUEST a récemment rapporté les déclarations de Laurent Bernos, directeur du service vigne et vin à la chambre d’agriculture de la Gironde, sur les dégâts massifs causés cette année par le mildiou en Nouvelle-Aquitaine. SUD-OUEST s’est également fait l’écho de la position du directeur général de la fédération des assureurs, qui a déclaré que les assureurs n’indemniseraient pas les dommages causés au vignoble par le mildiou.

Lien de l’article : Mildiou : les assureurs n’indemniseront pas les dégâts dans les vignobles (sudouest.fr)

D’après le porte-parole des assureurs, les contrats ne couvriraient que les « dommages directs causés par l’excès d’eau et d’humidité excessive », et pas une alternance de pluies et de chaleur. Il a ajouté que les conditions générales excluent les dommages causés par les maladies.

Dans le domaine des assurances, ce qui compte, c’est le contrat. Tous les viticulteurs ne signent pas le même contrat, et tous les contrats ne comportent pas les mêmes clauses d’exclusion. Il faut donc être prudent dans l’analyse, car celle-ci doit se faire à partir de la lecture du contrat de chaque assuré.

La jurisprudence est par ailleurs peu abondante. Il n’en reste pas moins que des juges ont déjà eu l’occasion de se pencher sur un contrat « Aléas climatiques multirisques climat, Vignes ».

Il a été considéré, à partir de l’analyse des conditions générales que parmi les divers aléas climatiques couverts par l’assurance (grêle, gel, inondation, coup de chaleur, tempête, sécheresse, …), un aléa « excès d’eau (pluie persistante ou excessive et stagnation de l’eau) », pouvait entrer dans le champ de la garantie. En effet, des précipitations qui, par leur continuité et leur abondance, provoquent, notamment, une impossibilité de réaliser les traitements appropriés contre les maladies et les ravageurs, peuvent entrer dans le champ de la définition contractuelle.

Naturellement, la charge de la preuve repose sur l’assuré. C’est à lui de démontrer que des précipitations répétées ont empêché les traitements préventifs, par exemple parce que l’abondance et la fréquence des pluies, pendant la période où le traitement préventif aurait dû être appliqué, empêchait le passage des tracteurs dans les vignes. Si cette preuve est rapportée, il ne semble pas déraisonnable de penser qu’un contrat « Aléas climatiques » peut être mobilisé.

La position adoptée par le représentant des assureurs paraît donc un peu trop catégorique.

Il faut naturellement être très attentif aux clauses d’exclusion qui peuvent figurer dans les contrats. Tous les contrats ne prennent pas nécessairement en charge les pertes de rendement causées par le développement de maladies, même quand elles sont consécutives à la survenance d’un aléa climatique, lui-même garanti. Si le contrat comporte une telle clause d’exclusion, elle s’appliquera certainement au cas du mildiou.

Cependant, cela n’a rien d’automatique. Le contrat peut au contraire prévoir la prise en charge des pertes de rendement dont le montant est supérieur à une franchise ou un seuil d’intervention.

En conclusion, on ne peut que conseiller aux viticulteurs victimes du mildiou d’effectuer, au moins à titre préventif, pour éviter de se voir opposer la tardiveté de leur déclaration, une déclaration de sinistre, et de faire ensuite procéder à l’analyse juridique de leur contrat.

Ce ne sera en aucun cas du temps perdu. D’autres aléas climatiques, comme la sécheresse risquent de se produire au cours des prochaines années. Les entreprises doivent être certaines des garanties qu’elles ont souscrites.

Photo de Thierry Wickers, avocats Elige Bordeaux

Auteur de l’article

Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Opérations de paiement non autorisées : quels délais pour agir ?

Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 juillet 2025 apporte une clarification importante sur l'interprétation de l'article L. 133-24 du Code monétaire et financier. Cette décision, qui met un terme à une divergence d'interprétation des...

Perte de chance : 2 arrêts de l’Assemblée plénière le même jour. Quelle chance !

Par deux arrêts du 27 juin 2025, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a mis fin à une incertitude jurisprudentielle en matière de réparation du préjudice de perte de chance.Elle impose désormais au juge d'indemniser la victime pour une perte de chance...

Le pourboire dématérialisé, une aubaine pour l’URSSAF !

La dématérialisation des paiements, si pratique au quotidien, invite le droit à se pencher sur des usages aussi anciens que le pourboire. La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 juin 2025, vient de trancher une question née de cette modernité : quel est le régime...

Assurance COVID : l’hôtel était-il du bon côté de la carte ?

Une décision de la Cour de cassation du 19 juin 2025 vient rappeler aux hôteliers les conditions très strictes pour obtenir l'indemnisation de leurs pertes d'exploitation subies durant la crise sanitaire. Pour les professionnels du secteur, l'enseignement est clair :...

La transparence dans la discipline notariale : encore un effort !

Dans un contexte d'évolution de la déontologie et de la procédure disciplinaire, la publication des décisions disciplinaires est essentielle, mais le syst-me actuel révèle des limites notables.Le cadre légal : un progrès depuis 2022L'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril...

Les 5 choses à prendre compte lors d’un divorce ou une séparation

1. La résidence des enfants et l'autorité parentale.La question de la résidence des enfants et de l'exercice de l'autorité parentale est primordiale. Il s'agit de déterminer où vivront les enfants, comment seront organisés les droits de visite et d'hébergement, et...

Bulletin Elige – Numéro 10

Découvrez le bulletin Elige n°10consacré à nos avocats en Droit de la famille, des personnes et du patrimoine.Au sommaire de ce nouveau bulletin, on retrouve :PAGE 1Découvrez les avocats des sociétés Elige intervenant en Droit de la famille, des personnes et du...

L’IA juridique face au droit d’auteur, qu’en est-il vraiment ?

L'IA juridique face au droit d'auteur : la décision Thomson Reuters c/ Ross rebat les cartes.Le 11 février 2025, le tribunal fédéral du Delaware a rendu une décision qui fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le monde de la LegalTech. L'affaire Thomson Reuters c/...

Rémunération des syndics de copropriété : rappel des règles du jeu !

La cour de cassation rappelle les règles du jeu en matière de rémunération des syndics de copropriété.Dans un arrêt rendu le 27 février 2025, la Cour de cassation vient de clarifier des points importants concernant la rémunération des syndics et les droits des...

En cas de fraude bancaire, la responsabilité des banques n’est plus automatique

Deux arrêts récents de la Cour de cassation viennent de redéfinir les contours de la responsabilité des banques en cas d'opérations frauduleuses. Ces décisions, rendues le 15 janvier 2025, ont des implications importantes pour les clients des établissements...