La responsabilité de la banque est très fréquemment engagée par le titulaire du compte en cas de virement frauduleux.
Des virements à destination de l’étranger exécutés par la banque.
Les faits sont classiques : pendant une période de plusieurs semaines, le compte d’une société est débité de sommes importantes. Il y en a pour près de 200 000€. La banque de la société va réaliser successivement quatre virements vers l’étranger, sur la base d’ordres transmis par courrier électronique.
Même si la décision n’en dit pas plus, on devine que l’on se trouve donc en présence d’une fraude.
La sanction du manquement au devoir de vigilance.
La solution adaptée par la cour d’appel est également parfaitement classique. Elle met à la charge de la banque une partie du préjudice, parce qu’elle estime que la banque aurait dû faire preuve de plus de vigilance. Il existait, avait relevé la cour d’appel, des éléments qui auraient dû conduire la banque à suspecter que son client n’était pas à l’origine des ordres de paiement.
« Devoir de vigilance », « anomalie apparentes », « éléments de preuve sérieux et concordants » : cette terminologie et cette façon de raisonner sont tout droit issu du régime de responsabilité contractuelle de droit commun construit par la jurisprudence.
Le banquier, avant d’exécuter l’ordre de paiement, doit faire preuve de vigilance. S’il détecte des anomalies apparentes, il doit se rapprocher de son client, pour s’assurer qu’il est bien l’auteur de l’ordre de paiement et qu’il faut bien l’exécuter. Le banquier est donc condamné, sur le fondement des règles de droit commun de la responsabilité.
Le triomphe du régime de responsabilité des prestataires de services de paiement.
Mais voilà, la responsabilité des prestataires de services de paiement (les banquiers) vis-à-vis des utilisateurs (leurs clients) fait l’objet d’un régime de responsabilité spécifique, celui issu de la directive 2007/64/CE.
Les dispositions de cette directive ont été transposées en droit français et figurent dans le code monétaire et financier (L 133-12 et suivants).
Il existe donc en droit français deux régimes de responsabilité, l’un issu du droit commun, et l’autre spécifique, issu de la directive.
Mais voilà, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie dans le cadre d’une question préjudicielle a rendu, le 16 mars 2023 une décision d’une grande portée.
(Beobank, C51/21, Lien de l’article)
Elle a jugé que l’objectif de la directive était de créer un régime harmonisé de responsabilité pour les opérations non autorisées ou mal exécutées et que ce régime était exclusif de tout régime alternatif de responsabilité existant dans le droit national.
Puisque le titulaire des comptes contestait être l’auteur des ordres de transfert des fonds litigieux, la responsabilité de la banque ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l’article L. 133-18 du code monétaire et financier.
L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé. Le litige va se poursuivre devant la cour de renvoi. Quel sera le résultat final ? Il n’est pas certain qu’il sera nécessairement plus avantageux pour la banque, car le régime de responsabilité issu de la directive est loin de lui être favorable.
(Cass. Com., 27 mars 2024, Pourvoi n° Y 22-21.200, Lien de l’article)
Auteur de l’article
Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux
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