L’architecte qui remet ses plans au maître de l’ouvrage conserve un droit moral sur son oeuvre personnelle et originale. La propriété du support matériel ne confère pas au propriétaire des « plans, calques, dessins et études » le droit d’en disposer librement sans l’accord de leur auteur.
Par un arrêt du 23 septembre 2023, la Cour d’appel de Bordeaux a rappelé que les oeuvres architecturales font partie des oeuvres protégeables au titre des droits d’auteur sous réserve que l’architecte démontre l’originalité et l’apport intellectuel créatif de son travail.
L’architecte, avant la rupture des relations contractuelles avec son client, avait remis au propriétaire du bâtiment les « plans, calques, dessins et études ». Le client prétendait avoir le droit d’en disposer librement et les utiliser pour poursuivre les travaux avec une autre société.
L’arrêt rappelle qu’il fallait une autorisation de l’architecte pour que le propriétaire des plans puisse les remettre à une société de construction en vue de l’achèvement de l’ouvrage.
A défaut d’avoir sollicité cette autorisation, la Cour d’appel a condamné le propriétaire des plans à indemniser l’auteur et a ordonné la restitution des supports matériels contenant les plans, calques, dessins et études. Cette décision est fondée sur le droit d’auteur et réaffirme le principe d’indépendance de la propriété incorporelle et de la propriété du support matériel.
En effet, l’architecte est titulaire des droits moraux, mais dans la limite du respect du droit de propriété du propriétaire de l’oeuvre.
En l’espèce, aucune cession des droits d’exploitation des plans n’avait été consentie par l’auteur lié au commanditaire par le seul contrat passé entre les parties.
Une cession implicite des droits d’auteur n’était pas plus envisageable par application de l’article L. 111-1, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle qui précise que « L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa (..) ».
Cet arrêt rappelle la prudence avec laquelle doit être examinée la question du droit moral de l’architecte sur son oeuvre et la nécessaire analyse des droits des parties avant d’utiliser les plans d’un architecte avec lequel les relations se sont envenimées.
Auteur de l’article
Daniel LASSERRE
Avocat associé à Elige Bordeaux
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