L’IA juridique face au droit d’auteur : la décision Thomson Reuters c/ Ross rebat les cartes.
Le 11 février 2025, le tribunal fédéral du Delaware a rendu une décision qui fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le monde de la LegalTech. L’affaire Thomson Reuters c/ Ross Intelligence (n°1:30-cv-613-SB) pose les jalons d’une nouvelle ère pour l’IA juridique et le droit d’auteur.
Un litige qui secoue la Tech Law
Au cœur du débat : l’utilisation par Ross Intelligence de milliers de résumés juridiques (headnotes) de Westlaw pour nourrir son IA. Une pratique que Thomson Reuters n’a pas laissé passer, brandissant l’étendard de la violation du droit d’auteur. Face à eux, Ross, armé de l’argument du fair use, a tenté de justifier cette utilisation au nom de l’innovation.
La décision : un camouflet pour le « fair use » ?
Le juge Bibas n’a pas hésité à trancher :
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- Exit le « fair use » pour Ross : l’utilisation des headnotes n’est pas un simple emprunt anodin.
- Les résumés de Westlaw ? Un véritable travail créatif, pas une simple compilation mécanique.
- L’impact sur le marché ? Bien réel et préjudiciable pour Thomson Reuters.
Ce que ça change pour le monde la LegalTech
Un signal d'alarme pour les start-ups IA
Attention à l’utilisation de contenus protégés sans autorisation, surtout si vous visez le même marché que leur propriétaire !
La fin de l'eldorado des données "libres" ?
Les développeurs d’IA vont devoir redoubler de créativité pour constituer leurs jeux de données d’entraînement.
Transparence, le maître-mot
Les entreprises pourraient être poussées à plus de clarté sur l’origine de leurs données d’entraînement.

Perspectives et implications
La décision Thomson Reuters c/ Ross Intelligence invite à une réflexion approfondie sur plusieurs aspects de l’exploitation des données par les acteurs de l’IA :
Equilibre entre innovation et protection intellectuelle
Comment favoriser le progrès technologique tout en respectant les droit des créateurs de contenu ?
Stratégies d'acquisition de données
Les entreprises de LegalTech devront probablement revoir leurs méthodes d’obtention et d’utilisation des données pour l’entraînement de leurs IA.
Evolution jurisprudentielle
Cette décision pourrait influencer d’autres juridictions et potentiellement conduire à une harmonisation de la jurisprudence sur ces questions.
Implications réglementaires
Le législateur pourrait être amené à intervenir pour clarifier le cadre juridique de l’utilisation des données dans le développement de l’IA.
Conclusion
L’affaire Thomson Reuters c/ Ross Intelligence marque à l’évidence une étape importante dans l’évolution du droit de la propriété intellectuelle à l’ère numérique. Dans leur soif de données, les acteurs de l’IA avaient tendance à ne tenir aucun compte des droits des auteurs. Cette décision montre qu’il leur faut désormais adopter une approche équilibrée, prenant en compte les intérêts des innovateurs comme ceux des détenteurs de droits.

Auteur de l’article
Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux
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