Le locataire commercial peut-il éviter de payer le loyer en raison de la pandémie ? Depuis un an, chacun des trois confinements que nous avons subis s’est accompagné de la fermeture des magasins non essentiels. A chacune de ces occasions, la même question se pose.
Un an après le premier confinement, on en sait un peu plus sur l’influence de la pandémie sur les obligations du locataire commercial. Plusieurs décisions de cour d’appel ont été rendues, au cours des derniers mois (et même des dernières semaines) sur le sujet, mais encore uniquement dans le cadre d’appel d’ordonnances de référé.
Le locataire commercial peut-il éviter de payer le loyer en invoquant la force majeure ?
La plupart des décisions répondent négativement à cette question et estiment que l’évènement était assurément imprévisible, mais qu’il n’est pas irrésistible
« Si l’épidémie de covid 19 est un évènement par essence imprévisible, il ne peut être considéré comme un évènement irrésistible, rendant manifestement impossible toute possibilité d’exécution, dès lors que l’obligation concernée est de nature pécuniaire, qu’elle est toujours susceptible, par sa nature d’être exécutée, de simples difficultés d’exécution provisoires, dues en l’occurrence non à l’épidémie elle-même mais aux mesures administratives prises pour la contenir, n’étant pas de nature à caractériser une irrésistibilité. »
(CA Lyon, 31 mars 2021, RG n° 20/05237, CA Paris, 18 mars 2021, RG n° 20/13420)
D’ailleurs, font observer certaines cours d’appel, les textes promulgués pour faire face à cette situation d’urgence ont suspendu, et pas supprimé l’obligation de payer le loyer.
« La mise en place d’un fonds de solidarité et de mesures pour reporter ou étaler le paiement des loyers pour une catégorie d’entreprises exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences de la propagation du covid-19, démontre que le législateur ne reconnaît pas le caractère de force majeure à la pandémie. »
(Cour d’appel de Riom – ch. civile 01 – 2 mars 2021 – n° 20/01418)
Le locataire commercial peut-il éviter de payer le loyer en raison de la fermeture administrative ?
Certains locataires ont soutenu que la fermeture administrative, qui les prive de la possibilité d’exploiter les locaux doit être assimilée à une non-délivrance de la chose louée. Ils n’ont en général pas été suivi, parce que l’imputabilité au propriétaire de l’événement fait défaut : « Les dispositions de l’article 1219 du code civil ne peuvent être invoquées utilement que dans les rapports entre parties au contrat, aucun manquement lié à la période de confinement n’étant établi à l’encontre » du bailleur.
(CA Paris, 18 mars 2021, RG n° 20/13262)
« L’inexécution qui découle de l’interdiction d’ouvrir le commerce ne saurait engager la responsabilité contractuelle du bailleur et le preneur ne peut en tirer argument pour s’exonérer de sa propre obligation. »
(Cour d’appel de Riom – ch. civile 01 – 2 mars 2021 – n° 20/01418)
La théorie de la « perte temporaire de la chose louée », au sens de l’article 1722 du code civil, n’a pas non plus convaincu.
« En l’espèce, le bien loué n’a été aucunement détruit, que ce soit en totalité et en partie, l’impossibilité d’exploitation ne pouvant aucunement être assimilée à une destruction, sauf à détourner de leur sens les dispositions précitées. » (CA Lyon, 31 mars 2021, RG n° 20/05237)
L’exécution du contrat de bonne foi
Les juridictions s’assurent cependant de ce que les parties ont fait preuve de bonne foi. L’exigence pèse sur les deux parties : « Si le preneur n’a pu utiliser les locaux dans toute leur plénitude durant la crise sanitaire, le bailleur a lui – même privé de ses revenus pendant cette période et dans les deux cas, la cause ne résulte pas d’un manquement de l’un ou l’autre à ses obligations. Il est donc important de prendre en compte la situation et le comportement des deux parties en présence. » (CA Orléans, 25 mars 2021, RG n° 20/02454)
Ce n’est pas le cas d’un locataire qui a décidé de suspendre unilatéralement le paiement des loyers sans pour autant justifier de quelconques éléments comptables pour asseoir sa position, et sans entreprendre au préalable aucune négociation avec son bailleur, ni se concerter avec lui.
A l’inverse, le bailleur qui n’a pas exigé le paiement immédiat du loyer dans les conditions prévues au contrat, et qui a, par exemple, proposé de reporter des loyers non réglés pendant la période de confinement et de mettre en place à la fin du confinement un échelonnement jusqu’à la fin de l’année en cours a exécuté de bonne foi ses obligations au regard des circonstances.
Par Thierry Wickers – Elige Bordeaux
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