Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 juillet 2025 apporte une clarification importante sur l’interprétation de l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier. Cette décision, qui met un terme à une divergence d’interprétation des juges du fond, définit clairement la distinction entre le délai de forclusion applicable au signalement d’une opération non autorisée et le délai de prescription pour l’action en remboursement.
Sources : Com. 2 juill. 2025, F-B, n° 24-16.590, cliquez-ici pour voir la source
La dualité des interprétations de l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier
L’article L. 133-24 du Code monétaire et financier dispose que l’utilisateur de services de paiement doit signaler à son prestataire une opération non autorisée ou mal exécutée « sans tarder » et, au plus tard, « dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion ».
Une première interprétation considérait que ce délai de treize mois s’appliquait non seulement au signalement de l’opération par le client, mais également à l’introduction d’une éventuelle action en justice visant à obtenir le remboursement des fonds. Selon cette analyse, toute action judiciaire engagée après ce délai était jugée irrecevable.
Une seconde interprétation soutenait que la forclusion visée par le texte ne sanctionnait que le défaut de signalement dans le délai imparti. Une fois l’opération valablement signalée, l’action en paiement du client contre son établissement demeurait soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans, conformément à l’article 2224 du Code civil.
La consécration d’une distinction claire entre signalement et action judiciaire
Par son arrêt du 2 juillet 2025, la Cour de cassation a tranché en faveur de la seconde interprétation, censurant la décision d’une cour d’appel qui avait déclaré irrecevable l’action d’un client introduite plus de deux ans après les débits litigieux, bien que ceux-ci aient été signalés à la banque dès le lendemain.
La Haute Juridiction s’en tient à une lecture littérale du texte, en retenant que la forclusion édictée par l’article L. 133-24 du Code monétaire et financier ne s’applique qu’à l’obligation de signalement de l’opération. Elle juge ainsi que le client ayant signalé l’opération contestée dans le délai de treize mois est ensuite recevable à agir en paiement contre l’établissement bancaire dans le délai de prescription de droit commun2.
Les conséquences pour les établissements de crédit
Cette décision met fin à une insécurité juridique et clarifie le cadre temporel des contentieux relatifs aux opérations de paiement non autorisées. Les moyens de défense fondés sur une irrecevabilité de l’action en justice au seul motif qu’elle aurait été introduite au-delà du délai de treize mois sont désormais voués à l’échec, dès lors que le signalement initial est intervenu dans les temps.
L’analyse du risque contentieux et la stratégie de défense des établissements de crédit doivent intégrer cette clarification. Le débat judiciaire ne portera donc plus sur le délai d’action, mais se concentrera sur les autres conditions de la responsabilité du prestataire de services de paiement.
La défense des établissements pourra notamment s’articuler autour de :
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- La preuve de l’absence de signalement par le client dans le délai de treize mois.
- La démonstration, conformément à l’article L. 133-19, IV, du Code monétaire et financier, que le client a agi avec une négligence grave, la charge de cette preuve incombant à l’établissement bancaire.
- La preuve que l’opération était en réalité autorisée par le client.
Auteur de l’article
Thierry WICKERS
Avocat associé à Elige Bordeaux
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